Arrivé dans le garage, j'ouvre pour une fois la porte d'à côté, pour prendre ma compagne du jour. Je sors la belle prudemment, elle fait son poids la coquine ! Apposée tranquillement sur sa béquille, je la laisse sortir de son sommeil, contact, starter, démarreur, en moins d'un quart de tour la belle s'ébroue dans le feulement feutré de la double sortie d'échappement.
J'allume les feux, le premier, puis le deuxième, cette gueule me replonge dans les lointains fantasmes des machines d'endurance des années 90. Je prends place derrière le guidon, le confort agréable de la selle me renvois à mes habitudes du tréteau qui me sert de moto, je me suis pris à penser que le T595 propose un confort acceptable, que nini, c'est un vrai bout de bois bon sang !
Je m'attends à caler, le manque d'habitude d'une moto à carbu, mais gentiment, le gros couple me propulse, la gestion des gaz ce fait au poil. Première, seconde, la boite enclenche ferme, bas des les tours la compression se fait sentir, ça vie, c'est de la bécane d'homme ça, c'est clair !
95435 km au compteur, je laisse mémère chauffer tranquillement sur les premiers kilomètres, avant de prendre la jonction de 6 km d'autoroute qui me mèneront au mont verdun. La grande parabole d'accès est avalée sans que je m'en aperçoive,
le châssis me met dans une totale sécurité, pousser par le gros couple, la machine se pose sur l'angle et ne bronche pas d'un poil, j'ouvre un peu plus, la réponse est immédiate mais sans surprendre l'équipage, c'est cool ça le matin quand on était 45 minutes plus tôt dans le fond de son lit ! J'attaque la traversée du mont Verdun et sa descente, bien décidé à titiller un peu quand même la belle, toute mesure gardée quand même, pas question de lui faire faire une bise au bitume de si bon matin ! La route est sèche, la lumière est douce, les conditions sont au top. 13 km de pif paf confirment ce que je présentais : cette moto est une avaleuse de montagne et de borne.
Elle se place en douceur, avec efficacité, son poids est un allié qui évite d'avoir à charger l'avant comme pour un T595, l'angle de chasse propose une stabilité exemplaire, la moto est soutenue par des suspensions qui absorbent totalement les déformations de la route et pour la prendre tous les jours avec le dayto, je me demande si je prends bien la même route !!!! La banane commence donc à poindre sous le casque, belle gueule, confort, coffre, efficacité, mise en confiance, p'tain, c'est bon c'te brèle dis donc !
J'arrive pour la deuxième partie du test sur les portions rectilignes des départementales, rébarbatives au possible,
sur lesquelles l'on apprécie une bonne protection et un bon confort. Bien sûr, cahier des charges rempli, je vois pas passer les bornes, je mets des petits coup de gaz pour tromper l'ennuie, une petite inertie existe à la remise des gaz, c'est parfait pour pas éjecter son passager ou se faire des sueur froides sur le mouillé...encore une fois,
stressé habitué à la remise des gaz avec le T595, je trouve ce compromis très sympa, moins caractériel, mais sympa. Mais bon, jusque là j'ai pas encore dépassé les 5000 tours, c'est dire le coffre de l'engin !
Je suis en avance, je décide de couper par les petites routes irlandaises. Bein voui, j'suis en Ireland, propulsé par mon anglaise, des pifs paf de cette route de campagne bosselée à souhait me fait voyager en Irlande, les paysages s'y prêtent à merveille, l'anglaise avale les courbes sans faillir, je regarde mon compteur...surprise, je roule plus vite qu'avec ma brèle et sans m'en rendre compte, sans appuyer...le pied.
Sur les derniers kilomètre, je croise le paysan qui a profité des plus grandes toilettes du monde s'afférant à sa braguette, une clio traverse et se retrouve devant moi, elle tente un sprint mais alors que manifestement le feu d'artifice de feux de stop trahit qu'elle est à son max, la lichette de gaz efface cet obstacle pour me propulser dans les courbes qui suivent pour mon plus grand bonheur.
70 km plus tard, je suis déjà arrivé...merde...j'ai à peine senti l'onglet des 5 derniers kilomètre, il ne doit pas faire plus de 5 degrés, le soleil vient me donner une caresse à la sortie du bois pour me réchauffer un peu.
Je me retourne vers ma compagne de la journée, que j'ai garée avec attention, et j'admire les lignes intemporelles de ce 900 Daytona qui a fait l'honneur de me balader jusqu'à bureau ce matin.
Je crois que je viens de comprendre la nostalgie qu'ont tous ceux qui ont eu un 900 carbu Triumph et qui s'en sont séparés, grâce à cette moto, j'ai vécu un petit rêve de motard ce matin.
Vivement le retour ce soir ! !!!