Me voilà parti ce mercredi pour « faire les soldes » chez le concess du coin. Ce speed est vraiment une moto fantastique, et la banane est toujours là à chaque fois que je la reprends, quasiment tous les jours. Arrivée devant ZR, en me jurant de mettre mes préjugés de côté, concernant notamment le nouveau roadster de chez Ducati qui a l'outrecuidance de vouloir reprendre le petit nom du Mostro.
Devant moi, un Speed 1050, que j'ai toujours trouvé un poil trop petit, mais pas vilain du tout. Un peu féminin en blanc, mais bon on n'est pas là pour ça.
Ben ça aura été vite, fidèle à la coutume, il y a quasiment zéro accessoires et fringues à l'intérieur, ce bouclard vend des moto et fait l'entretien de ceux qui n'ont pas le temps et ont les moyens (et surtout la confiance) de confier leur moto à un gynécologue « agréé ». Bon, ben quitte à être venu, autant jeter un oeil sur les occazes ...
Je vous fais grâce des chinoiseries soit insignifiantes soit infâmes, qui ont dû probablement laisser repartir leur fougueux cavalier fluo sur une belle européenne à maltraiter comme seule une geisha peut le subir en silence, qui en reviendra probablement déçu, un peu plus blasé encore, une fois de plus à la recherche du dernier canasson à la mode, à débrider-libérer-upgrader-préparer, ce qui lui permettra d'oublier ce qu'est une Moto. Bref.
Mon attention est attirée par un 675, 25000 bornes, année 2006, options carbone d'un goût ... chacun les siens, à un prix qui te fais relire la fiche pour voir si t'as pas confondu avec le kilométrage. Bref. Allez, soyons fou, je grimpe dessus « pour-voir-comment-ça-fait ». Heu ... sportive, la position. C'est le moins qu'on puisse dire. Je souris en m'extirpant du machin, en m'imaginant dans la position sur un pied sans moto à quitter, tel le clébard moyen marquant son bout de mur.
Et là, forcément, suis-je couillon, l'inévitable vendeur arrive ...
Bon, oui elle est chère, passons. Mais sinon, un 675, ça donne quoi ? Le type n'a pas l'air de saisir mon message, alors j'y vais franco, quoique gêné (j'aime pas demander, ça fait mendiant), je lui demande si je peux essayer un 675. Pas de soucis, papiers à remplir, je parcours très rapidement les lignes qui disent que si un pigeon a le malheur de chier sur un bout de rétro pendant que tu roules, tu seras pendu par les gonades au milieu de la place de la Victoire jusqu'à ce que le soleil t'ai suffisamment séché pour que tu tombes tout seul. OK je signe.
Il me sort un truc ... une moto raide de neuve, que je me suis dit « c'est pas possible il bluffe pour voir jusqu'où je vais aller ». Ben non. Un bijou rouge cru 2009, tout d'origine (content, je me dis que souvent, on te fais essayer des trucs avec des pots, de options de partout, le moulbif travaillé par le sorcier inter galactique du canton, bref plus rien à voir avec celles à vendre).
Il me la démarre (ce qui me chagrine, j'aime bien ce petit moment qui pourtant fait partie de l'essai). Waip, bon. Bof. Les pots sont d'origine, sois pas difficile. Je regarde le trip ... waou, 800 bornes au compteur, je me dis que 1. Ils sont gonflés de filer une meule de 800 bornes à l'essai, pas gentil pour elle, et 2. Va falloir prendre ça en compte sur l'impression générale, elle est pas au top de sa forme et de son souffle.
Je monte dessus ... ben ganté casqué prêt à partir, sérieusement c'est encore plus sportif qu'en simple cuir ouvert dans le bouclard. Trop. Pis ce petit truc rond, là, à la hauteur du plexus, c'est quoi ça ? Ha, c'est la bulle. Bref. Bon sportif quoi. Embrayage ... tiens, casse de câble ? C'est tout mou, ça commence bien c't'essai ça va m'plaire ... ben nan tiens, c'est pas mou, ça ressemble à du souple, elle y est là ou pas la une? Reste cool, lâche lentement ça devrait venir, chie pas la honte devant les autres comme un jeune permis, t'as usé quelques paires de gants avant de monter sur c't'engin pis sur des plus poilus ... Surtout, ne pas caler ... ben tiens, ça roule. Tout seul. Sympa l'embrayage. Déroutant en descendant de mon 955, mais pas si désagréable. Doit falloir s'habituer à pas sentir ... Allez, un rond point, tout doux on se connaît pas encore, on est pas intimes.
Arrivent les bouts droits, les virages et autres trucs, j'ai pas beaucoup de temps devant moi (pour ça, le mot essai est bien grand, ça permet juste de se faire une toute petite première impression, un essai, c'est une journée avec repas, pauses, pleins, etc.). Première impression: waou, ça freine de chez freine. Va falloir faire gaffe aux prochains. Quand on tourne la poignée ... ben désolé, je me doute que certains vont être surpris, mais ça mouline, ça mouline, ça mouline ... seule la nintendo qui sert de compteur permet de se rendre compte de la vitesse (pis l'allègement des poignets sur les bracelets, mais très léger, aussi léger que le type est lourd en fait). Modèle de maniabilité, ça c'est une évidence. Qui demande tout de même à être apprise, comme toutes les motos me direz-vous, mais celle-là encore plus.
Pis bon, malgré tout, malgré les performances, le freinage (je me suis plus pris la banane aux freinages qu'au reste d'ailleurs), tout ça, ben j'étais rentré au bout de 10 mn. J'en avais marre. Marre de la position fatigante, marre de grimper en zone rouge à chaque fois, marre de rien sentir. Je dois peut-être trop grossier pour cette lame de rasoir, qui à mon humble avis est une pistarde pure et dure qui n'a pas grand chose à faire valoir sur route ouverte, si ce n'est la satisfaction du propriétaire de détenir une machine aux capacités exceptionnelles sans pour autant les exploiter (ce que je peux parfaitement comprendre).
A mon retour, le vendeur me demande mes impressions. Situation toujours très gênante quand on apprécie pas ... mais bon, je lui ai dit que c'était entre le VTT et le coton tige, mais que ça manquait d'épices. En gros quoi. Bon. Et là, le type me propose d'essayer immédiatement un Speed en 1050. Le blanc du début. OK, roule ma poule, mais là je démarre et je me démerde tout seul.
Ha ben oui c'est vrai, les phares s'allument tous seuls ... très très sympa la position. Le tableau de bord et tout petit à côté des mes trois compteurs particulièrement attachants, mais très loin d'être désagréable. Le bidon a bien sa place, le cul aussi, rien à dire, top confort (à côté de la raquette de ping pong qui me sert de selle, pour reprendre mon pote), super. Autant de barouf que sa copine rouge, faut s'habituer, arrête tes préjugés. C'est parti. Haaa ben voilà. Pas mal. Même route que l'autre, histoire de comparer.
Moins de malaise sur les virages, guidon oblige. Le freinage est tout aussi plaisant, quoiqu'en retrait par rapport au 675, je suppose que le poids doit y être pour beaucoup. Niveau motorisation ya pas à dire, ça repire plus quand même, c'est plus coupleux, mais je dois tout de même avouer que l'allongement des bras n'est pas au rendez-vous pourtant attendu par l'augmentation de cylindrée et donc de puissance. Tout ça, ce sont des chiffres, des mesures et des courbes.
Le soucis que j'ai rencontré avec le speed 1050, c'est compliqué à expliquer comme ça. Le plus facile pour moi serait d'en faire une interprétation qui risque de vous paraître graveleuse, mais qui pourtant serait une représentation fidèle de ce que j'ai éprouvé. C'est un peu comme si vous tombiez sur une qui vous fait tout ce que vous voulez, voudriez, espérez, espéreriez, et même rêveriez, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, quelle que soit la marée, la lune et la période, dans tous les sens, de partout, de toutes les coutumes, pays et croyances. Bref, un truc de l'apocalypse. A vous retourner comme une chaussette. Tantôt garce, tantôt caline, comme on veut quand on veut.
Et pis pourtant, il manque l'essentiel, l'odeur, le goût, le fumet, la petite pointe de parfum qui excite et rend dingue et dépendant. Voyez ce que je veux dire ? Ce petit grain de beauté, censé être une imperfection qui fait pourtant toute la beauté et la sensualité, ou cette petite pointe d'ail dans l'omelette aux patates, ou le bout de couenne dans la soupe ? Ben voilà. Un peu comme une purée sans morceaux. Trop parfaite, tellement qu'elle en devient insipide et inodore.
Alors attention, je sens d'ici des culs se tortiller devant les PC à ma lecture ... on parle tout de même d'un 3 cylindre anglais, et pas d'un utilitaire japonais, faut pas pousser mémé dans les orties quand même. On n'est pas sur du hornette-fazeur-banbi. Mais justement, quand même. Aussi sexy (d'ailleurs, j'ai oublié dessus la petitesse de la bestiole, niveau ergonomie elle est super) et manquer autant d'épices, je trouve dommage de devoir probablement débrider, libérer, tomber une dent de PSB et laisser un oeil et un rein dans des Arrow pour commencer à obtenir, et encore peut-être, quelque chose à la hauteur du sacrifice.
Après, ce n'est que mon humble opinion, chacun est libre d'avoir la sienne. Retour en concession. Le vendeur m'attendait pour aller manger, sympa de m'avoir fait essayer ces deux motos, sachant qu'il est tout de même vendeur, et qu'il est là pour me vendre quelque chose, forcément. Impressions: ben c'est mieux. Sans plus. Je le laisse venir. Et il arrive ...bureau, papiers, côte, retour sur mon 955. Je l'ai acheté 5000 en décembre, il me le reprendrait 5000, correct. Reste le prix de l'autre, qui sera toujours trop chère à mon goût, quelle que soit la ristourne. Attention, elle est bien belle, surtout en noir mat avec des Arrow. Il me donne une date buttoir au 15 juillet pour le chiffre proposé, et seul ce CR me décale l'échéance de rappel pour lui dire que je ne laisserais pas mon Small Ass de 2001 pour une seule des motos essayées, et même les deux.
Tellement attachant, attaché, tellement grain de beauté, tellement gros sel, fleur de sel, poivre, gris, noir, blanc, tellement à moi, tellement part de moi, tellement à tirer sur les bras, que je vous avoue que je lui ai demandé des excuses en regrimpant dessus, et que je suis reparti avec une banane comme au premier jour. Tellement « je t'aime », tellement « tu me fais chier », tellement « je te reconnais bien là », tellement « je le savais », tellement « excuse moi ».
Alors du coup, je suis allé lui acheter des nouveaux clignos, pour qu'elle se remaquille, et à la rentrée, remplacement de la raquette de ping pong par une couche de bultex sous le skai. Et encore tellement d'aventures, de bornes, de choses à découvrir, de « c'est quoi ce bordel ? », de « comment ça marche », « comment ça se fait ? », de « qu'est-ce qu'elle est belle », de « RO-PU-TAIN ».
