Article issu du journal "Le Jura" sur Steve Lee, chanteur du groupe GOTHARD.
Un bel hommage sur l'homme de valeur qu'était steve lee.
Durant toute la journée d’hier, ce sont près de trois mille pèlerins endeuillés qui ont cheminé de toute la Suisse et même d’Europe jusqu’à l’hospice du Saint-Gothard pour dire adieu à l’une des personnalités préférées du pays. Du jamais vu. Un événement qui en dit long sur la cote de popularité du charismatique chanteur, mais aussi sur le sentiment d’injustice qui anime tous ceux qui ont connu, de près ou de loin, Steve Lee. Car sa mort «brutale, incompréhensible et insensée», comme le dira Marc Lynn, le bassiste de Gotthard (qui a vu mourir son ami), relève de l’inacceptable.
Bêtement fauché par la remorque d’un truck sur une chaussée glissante alors qu’il revêtait sa combinaison de pluie pour poursuivre son périple en Harley à travers les Etats-Unis (il venait de sortir de la Vallée de la Mort), Steve Lee laisse ainsi derrière lui une compagne en état de choc; des parents, un frère et une sœur inconsolables; un groupe (Marc, Leo, Hena et Freddy) terriblement ébranlé dont l’avenir est incertain; des dizaines de milliers de fans aux mille regrets; et une guitare orpheline, celle de Leo Leoni, son complice de toujours.
Si sa mort violente et stupide résonne avec autant de force à travers le pays, c’est non seulement parce que c’est un immense chanteur, reconnu au niveau international, que nous avons perdu, mais peut-être surtout parce que, cette fois-ci sur la planète rock, la mort a frappé un juste. Un homme aux qualités connues de tous et à la vie équilibrée, dont le comportement (sur et hors scène) était aux antipodes des frasques habituelles des rockers. Steve Lee, c’était l’anti-Pete Doherty par excellence. Il prenait soin de sa personne comme de son jardin de bonsaïs, l’une de ses grandes fiertés.
Rolf Schlup, responsable de la promotion de Gotthard depuis les débuts du groupe, reconnaît qu’il avait su «rester simple et disponible malgré le succès» et qu’il était «effectivement difficile de lui trouver des défauts.» Un comble, car souvent, aux rockers, il est difficile de trouver des qualités! Sa gentillesse, son humour, sa sérénité, son optimisme, son respect des autres et sa sensibilité frappaient tous ceux qui l’entouraient.
Deux millions de disques vendus de par le monde, un statut d’idole au Japon, une flopée de hits (dont le prémonitoire «Heaven») et des premières parties d’AC/DC, Bon Jovi ou ZZ Top n’ont pas entamé l’humilité du Tessinois. Elias Fröhlich, journaliste et ami du chanteur, ira même jusqu’à écrire qu’il «était presque un saint dans son genre.» Les excès d’alcool, les drogues, le grand luxe, l’arrogance, très peu pour lui. Aux caprices de star, il préférait fabriquer des bijoux (il était orfèvre de formation), cuisiner pour ses amis à la maison, méditer ou découvrir les philosophies orientales. Avec ses invités, il aimait parler du sens de la vie. Pas question non plus de succomber aux avances des groupies: «Je ne suis pas un homme à femmes, je suis attaché à celle que j’aime», aimait-il à répéter.
Sa compagne, Brigitte Voss Balzarini, confiera que son amoureux avait chanté toute la journée, sur sa moto, avant son décès. Et qu’elle ne l’avait jamais vu aussi heureux, parce qu’il réalisait son rêve de toujours. En 2005, Steve Lee chantait «J’ai vu un ange pleurer.» A présent, ce même ange l’entend certainement chanter. /PVU
Une voix d’ange s’est tue
N’ayons pas peur des mots: Steve Lee faisait partie du cercle fermé des dix meilleurs chanteurs de la planète rock. Si les grands gouailleurs (Eddie Vedder, Bono, Mark Lanegan, Eric Martin, Steven Tyler, Michael Stipe) se distinguent surtout par la texture de leur timbre, Steve Lee jouait de sa voix comme d’un instrument à part entière et maîtrisait tous les aspects du chant. Il possédait un souffle à couper le vôtre, une incroyable palette de nuances, une puissance hors norme et une insolente justesse. Bon Jovi, Ian Gillan (Deep Purple) ou Sammy Hagar (Van Halen) eux-mêmes en étaient baba! Il était d’ailleurs l’un des trois seuls rockers avec lesquels la cantatrice Montserrat Caballé ait accepté d’interpréter un duo. Il passait des heures à visionner ses modèles – David Coverdale (Whitesnake), Geoff Tate (Queensrÿche), Steven Tyler (Aerosmith), Joe Perry (Journey) – étudiant leurs mimiques. Avant chaque concert, pour préparer ses cordes vocales, il buvait un verre de vin rouge. Pour augmenter sa capacité pulmonaire, il jouait du didgeridoo. Il prenait tant soin de sa voix que jamais il n’a été contraint d’annuler un concert. /pvu
Textes chargés de sens
Les textes des chansons de Gotthard, écrites par Steve Lee, donnent une idée précise des valeurs qui étaient les siennes (surtout sur les quatre derniers disques). Son destin tragique donne un éclairage particulier à des textes parfois noyés par les guitares. «Je ne suis pas un ange, je ne suis pas un pécheur / Juste un homme ordinaire / Et j’essaie de vivre ma vie du mieux que je peux»: ces paroles de «Come alive» résument bien quelle vision était sa vision de la vie. Il était préoccupé par la pauvreté («Human zoo», «Anytime anywhere»), sensible à la cause des enfants («I know you know», «Nobody home», «Janie’s not alone») et soucieux des dérives de notre société («Need to believe»). Si de nombreux titres encouragent l’auditeur à s’affirmer et à prendre sa vie en main («Tomorrow’s just begun»), les clins d’œil au sexe dans les titres des disques, bien sympathiques et jamais vulgaires, ne sont pas rares («Dial hard», «G.», «Lipservice», «Made in Switzerland»). Preuve que l’ami Lee n’était pas un capucin, mais qu’il aimait la vie et tous les plaisirs qui y sont associés. /pvu
Des milliers de fans se sont retrouvés au sommet du Gothard pour Steve Lee
Bravant le froid, le brouillard et le grésil, des milliers de fans sont venus rendre hommage à Steve Lee, chanteur du groupe Gotthard. Devant l’Hospice, deux frères capucins ont rappelé le parcours du chanteur rock, en présence de sa compagne Brigitte Voss-Balzarini et des autres membres du groupe. /ats
