Le huitième jour.
On quitte l’hôtel un peu en retard pour le rendez-vous de 10h avec les Fifi à Ems, premier bled après Chur sur la route de la Furkapass.
10h 15 passées, on scrute de manière méticuleuse les parkings, cafés, espaces ombragés, bosquets, toilettes, établies ou de fortune, mais aucune de trace de nos compères.
Alors on continue en se disant qu’ils ont du partir devant et qu’on les retrouvera immanquablement plus tard.
Un peu plus loin à la faveur d’un embouteillage à l’intersection de la route pour la Furka, je perd de vue Alain et Christine. J’ai continué tout droit, pas eux. Je les rattraperai rapidement.
Au départ je respecte sereinement la « limite générale ». Puis rapidement dépité par mes faibles capacités en calcul mental lorsque j’essaie de suivre le décompte des panneaux kilométriques (le trip de la moto est HS), j’accélère comme aimanté par les motos à l’horizon.
Finalement j’arrive à Disentis, l’étape obligée 50 bornes plus loin. J’ai déposé tout ce qui roulait et oublié jusqu’à l’existence même de la marée chaussée...pourtant toujours pas trace ni des Fifi ni des Alain !
Z’ont testé l’Octane 100 ou bien ?!
Sais pas pourquoi, je m’entête. Doivent être à Andermatt au pied de la Furka, dans un café à boire un ristretto, un café allongé, un chocolat, deux bières. Manque le coca.
Mais qui boit les demis ?
Alors j’enquille sur une rapide montée-descente de l’Oberalpass. Sans surprise je découvre qu’ils ne sont pas, non plus, à Andermatt.
Soudainement mon attention est toute retenue par autre chose. Hop les Fifi Alain deviennent lointaines préoccupations. La lumière est ailleurs. Et elle est rouge plastique japonais.
Y’a un groupe de Suisses devant moi!
Presque on dirait une invitation formelle! Très poli j’accepte.
Sur les deux cols on en profitera même pour batailler avec des Allemands. A la sortie du tunnel au sommet du Systenpass je m’arrête au bord du lac, la diplomatie française honorée.
Maintenant j’attends.
A midi le coup de soleil vient très vite. Les Triumph rouges elles se pointent à 14h.
Des retrouvailles entre les Fifi et Alain au tout départ après ma disparition et un arrêt déjeuner plus tard, c’est maintenant qu’on se retrouve.
Le groupe reformé on descend le Systenpass sous une chaleur écrasante. En bas c’est pire. 40° minimum.
Au sommet du Grimselpass on trouve la fraicheur. Et la pluie.
A vrai dire quelques gouttes d’abord, un cataclysme après.
Avant, petit arrêt de Fifi et Michèle pour revêtir les combinaisons de pluie bien loi d’imaginer ce qui les attend, ou pas, plus loin. Pour ma part je n’y consens qu’en cas de force majeure et surtout pas pour trois gouttes sinon ça porte malheur. Alors je repars. Le Tigre lui ne s’est même pas arrêté.
C’est chacun pour soi.
A l’orée du passage du col, une trouée bleue dans le ciel me réconforte dans mon choix. Au sommet une petite accalmie. Très courte.
Le vent brutalement se lève. Le lac mitoyen à la route projette une déferlante devant ma roue. La pluie tombe abondamment. Vaille que vaille je m’engage sur le non échappatoire de la descente.
Je regrette immédiatement.
Les voitures devant roulent au pas, les vagues brisées s’échouent au niveau des rétroviseurs. Le réseau enterré de récupération des eaux est submergé, dégueulant de petits geysers de 30 cm de haut par ses regards. Un mélange de terre et de gravier raviné depuis la montagne achève la vision. Je ne vois plus rien.
Quelle merde le pinlock Shark !
Et tout disparait. La pluie s’estompe. Je remonte la file de bagnoles arrêtée à un feu de chantier pour me positionner au coté de la moto en attente.
Christine lance un hourra !
Ca fait plaisir de les retrouver. On achève la descente calmé par nos ardeurs.
En bas dans l’attente de Fifi et Michèle quelques autres téméraires se réjouissent de l’épreuve passée.
Cinq minutes après c’est le défilé des motos.
Les combinaisons de pluie des premiers sont sèches, les suivants sont en t-shirt. Arrivent enfin nos amis tromphistes noir et jaune fluo, immaculés. « Non mais en fait c’était léger comme pluie.»
« Cinq minutes on aurait attendu ! On serait arrivé au sec sans connaître le déluge. » C’est ce qu’on se dit secrètement. Mais on regrette surtout notre connerie. Avec des témoins elle aurait été preuve de bravoure ! La prochaine fois on vient avec une Go Pro.
On abandonne l’idée du belvédère de la Furkapass et on part pour la vallée de Sion où l’on retrouve la fournaise.
On accompagne Fifi et Michèle jusqu’à leur hôtel de Conthey, en projetant une étape de camping, la frontière passée, vers Chamonix. On ne se l’avoue pas mais on sait déjà qu’il n’y aura pas montage de tente ce soir. Ce sera Tullins, rien d’autre. Moi ça me va. Alors je fais comme si j’avais pas compris.
A Martigny court arrêt « nostalgie par avance ». On abandonne les tentes à la frontière ?
Ouais, on prend ici la décision solennelle que c’en est fini du camping. La prochaine fois ce sera lits larges, draps blancs, salle de bain serviettes, bagages réduits, motos légères et la route à point d’heure tous les jours ! Croix de bois croix de fer !
Pour signature des accords, arrêt pizza à Chamonix.
Avec l’obscurité on repart pour la route empruntée à l’allée.
Roues en ligne le phare du Tigre éclaire fort, en virage pas de miracle. Vapatro nous manque ! Alors arrivé à Chambéry on se dit qu’on lui ferait bien un petit coucou.
Nos dernières forces jaugées on vise raisonnablement Tullins au plus court.
A 0h30 le but est atteint, le voyage terminé, le souvenir déjà là.
C’est quand qu’on repart ?
L’épilogue.
Le lendemain départ 13h de Tullins sous le cagnard.
En haut de la Placette, en sens inverse un Speed rouge chargé suivi d’une Street.
« Dauphinois un jour, Dauphinois toujours ! »
Arrêt clope au revoir dans les règles. C’est reparti pour la Chartreuse jusqu’à Chambéry et le col de l’Epine ensuite.
Je retrouve la vallée sous une chaleur écrasante.
Comme l’impression de me répéter !
Foudre, pluie et tonnerre m’accompagnent pour les 50 derniers kilomètres.
La combinaison de pluie je la sors avant les premières gouttes de pluie cette fois-ci. Personne ne le saura.