Je comprends tes craintes Guilbar, du coup, tes questions me semblent légitimes.
Mon expérience personnelle pourra - tout comme celle de Baloo - peut être t'être utile.
Il m'est arrivé deux chocs dans ma vie, dont un que j'ai pris frontalement, parce que je n'avais rien demandé.
Le premierSeptembre 2007. Je suis sur les boulevard à Bordeaux (pour ceux qui connaissent, je rentrai du Bouscat et j'allais en direction de la place Ravezie et Bordeaux Lac), arrêté à un feu rouge. Il est 20h30, et j'attends que le feu passe vert. Je m'en souviens bien, je tapotais sur mon réservoir en chantant une chanson à la con sous mon casque.
Et là, je sens que je pars violemment en avant, je me souviens me dire "et m*rde!" et puis... plus rien, blackout total. Le chirurgien orthopédiste qui m'a pris en charge me dira plus tard "c'est tout à fait normal, en cas de gros traumatisme, le cerveau se met en "off" pour se protéger et ne garder que les fonctions vitales en ordre de marche"
Je reprends conscience, je suis de l'autre côté du carrefour, ma moto en train de brûler sous une voiture, qui du coup brûle aussi. Je me suis relevé, j'ai enlevé mon casque et mes gants, mais de tout ça, je ne m'en souviens pas. Pourtant, j'aurai dû, mon bras droit était fracturé en 4 endroits et en plus, il était déboîté au niveau de l'épaule. Il était rendu sur mes côtes en fait.
Ce qui s'est passé ? Un mec ivre mort qui "ne m'a pas vu", m'a percuté à 90/100km/h (selon les estimations de l'enquête policière) alors que j'attendais au feu rouge. Donc.
Bilan : 18 mois sur le carreau entre opérations et rééducation, perte d'emploi, grosse merde financièrement, procès (ben oui, il était ivre, je suis une victime totale, il y a eu enquête, du coup, tout se règle au tribunal de grande instance). Bref, du bonheur en barre.
Ce qui est important dans ce cas, c'est la résilience, la capacité à se reconstruire. Parce qu'il va te falloir vivre avec un bras handicapé à vie, à hauteur de 25%. Il te fera un mal de chien toute ta vie et il t'emmerdera toute ta vie. Bref, comme m'a dit le psy qui m'a suivit : littéralement, votre ancien moi est mort, vous venez de naître à nouveau. Il va falloir faire avec, vous adapter.
C'est long, c'est chiant, c'est parfois usant. Des fois, tu n'y crois même plus. Mais, avec le temps, tu reprends le dessus. Le corps humain est une formidable machine qui s'adapte vite, très vite.
Hier j'ai fait la rencontre T@ll sudistes, je mets au défi quiconque de s'être rendu compte que j'avais un bras handicapé.
(A ma femme : tu n'as pas le droit de jouer toi ! )
Second gros changement.Je suis originaire de la Bretagne, du 29 exactement et il y a un an, j'ai tout plaqué pour rejoindre ma femme dans le 06, soit un jump de 1350km. Ca n'a l'air de rien, mais c'était pour moi, un challenge de fou, parce que j'allais tout changer dans ma vie, absolument tout.
Le gros avantage pour ce genre de choses, c'est que je n'étais pas proprio où je vivais. Du coup, un ptit recommandé pour la fin du bail et basta. Ensuite, j'ai pris la décision de n'emporter que le strict nécessaire, vraiment, comme si je partais à l'étranger. Ce que j'ai pris avec moi se résumait à 3 choses : Mes papiers, mes fringues (celles que je portais régulièrement) &... mon chat
Le reste, les meubles, le matos hi-fi/multimédia, les fringues que je ne portais plus, l'électroménager : j'ai tout donné/vendu/foutu à la déchetterie.
Pour te dire, toute ma vie tenait dans une voiture de location. Quand tu en es à ce stade, tu te dis que tu n'es pas grand chose. Et là je me suis pris en grand coup sur le coup du nez, mais j'ai tout gardé pour moi. Tout ça pour débarquer dans une nouvelle région que je ne connaissais pas, dans une nouvelle maison qui ne m'appartenait pas, avec en plus, deux enfants à gérer, moi éternel célibataire sans drôles.
Tout ça par amour. Ouaip, nous sommes fous parfois.
Je dois avouer que mon atterrissage fut difficile, voire douloureux. Tous mes repères ont explosé en plein vol, tout ce qui faisait mon quotidien - et par là même qui me rassurait - a volé en éclats. Plus d'amis, plus de connaissances, une nouvelle façon de vivre, des gens partout, tout le temps, des routes petites, étriquées. Une nouvelle mentalité, d'autres façons de faire, d'autres traditions.
J'ai trouvé du boulot, avec l'envie, avec juste ma bonne gueule en frappant aux portes. Bon, le fait est que j'ai été licencié 5 mois plus tard, pour "raisons économiques" comme ils disent.
Mais j'avais une arme secrète : mon amour pour la moto. c'est un p*tain de vecteur pour rencontrer du monde. Je me suis inscrit sur un forum de la région et hop, une semaine après, je faisais ma première balade. J'ai expliqué que je venais de débarquer dans la région, que je n'y connaissais rien. Et j'ai été choyé, on m'a expliqué où aller, quoi faire, quoi visiter. Bref, la solidarité motarde comme jamais.
Et puis cette nouvelle vie avec deux enfants, je m'y suis fait. Je ne suis pas le père, évidemment. Pas le beau-père non plus, je ne veux pas de ça. Je suis le nouveau compagnon de maman. Les gosses sont fans de la moto, ils adorent quand je roule devant eux sur l'autoroute et que je fais l'idiot (un peu... pas beaucoup
). Et puis, comme je claque la bise à leur père quand je le vois, parce que c'est un mec intelligent, ils savent que tout va bien.
Au final, dans ces deux expériences intenses, il y a une chose à retenir, c'est que tu vas douter. Et c'est normal.
Dis toi que tu ne manques pas de repères, mais que tu en as peut être un peu trop. Tu as juste besoin de vérifier que tu as la dalle et ce n'est pas une baisse de moral.
Les jours de doutes, ça donne des jours de lutte, des réveils, des coups de poings, des envies d'uppercut.
Alors tu tombes et tu te redresses, tu t'enfonces et tu encaisses, tu te trompes et tu progresses.
Comme la vie n'est pas longue, essaie juste de bien faire. Mets des mots sur tes zones d'ombre, tu pourras mieux les comprendre et reprendre ta route, pour foncer sans attendre au prochain jour de doute.
Seeli aka Erick