Je vais faire un retour un peu plus précis sur ce que je pense de la Caponord 1200, maintenant que j'ai fait 600km, dont 90% en duo.
Alors évidemment, cet avis sera teinté de subjectivité, normal, c'est ma moto et je l'aime.
J'ai cherché à changer le Speed suite à mon retour d'un périple d'une semaine avec madame sur la route des Alpes (Cannes -> Lac Léman) . On s'est bien rendu compte que nous arrivions aux limites de la moto, en terme de capacité d'emport et de confort. Pourtant, j'avais fait le nécessaire : selle confort gel, valise Givi semie-rigides. Mais, avec notre capacité à dévorer les kilomètres, la philosophie même du Speed (roadster sportif) ne collait plus à nos attentes.
Pourtant, encore aujourd'hui, je maintiens que le Speed est une moto géniale, avec un design vraiment terrible. Un peu enfant terrible, un peu sensuelle, carrément belle.
Tant que la route est un billard, le Speed est une machine royale. Elle permet beaucoup de choses, on peut pas mal improviser, lui rentrer dedans, arriver en glisse sur un virage, souder en sortie sur l'angle à toc, rien ne bouge. Je la trouvais juste lourde sur le train avant lors de virages très serrés et/ou sur les épingles, du fait d'une géométrie un peu "camion" (j'ai dit "un peu", et c'est à comparer aux roadster sportifs modernes. Prenez votre Speed 2011, aller essayer une BMW S1000R, vous allez vite comprendre la différence
). Mais hormis ça, niveau comportement, j'étais satisfait.
Par contre, dès que le bitume se montre difficile voire mauvais, ce n'est pas du tout la même chanson. Ca tape dans les bras, ça remue, ça bouge vraiment parfois, bref, ce n'est pas de tout repos et c'était bien là le problème. Après 250/300 km de routes diverses, je vous avoue que je n'en pouvais plus.
Alors, j'ai commencé à chercher sur le net de quoi améliorer ce point négatif, monter un amortisseur EMC (900€) et puis des ressorts Ohlins (300€) puis en profiter pour mettre des poignées chauffantes (100€), un shifter (400€) et .... et stop quoi, à un moment donné, il faut arrêter le délire, j'en ai déjà pas mal fait sur cet moto, ça tournait au ridicule.
Du coup, changement de cap, après concertation avec madame, on se met en quête d'une nouvelle machine, qui correspondrait plus à nos attentes : charger la moto rapidement, s'équiper, rouler. Notamment, faire 300/400km d'autoroute pour atteindre un drop point puis rayonner dans la région de notre lieu de villégiature. Et moi, comme un gosse de riche que je suis, dans le cahier des charges, quitte à acheter une moto "routière", je voulais la totale : poignées chauffantes (je sais, je fais chier avec ça, mais quand on y a goûté.... Hein Wile !
), suspensions électroniques, ABS, et bonus si possible, régulateur.
Sur la liste des prétendantes, il y avait :
- Triumph Tiger 1200 Explorer : on reste chez Triumph, moteur 3 cylindres. Mais, pas de suspensions élec, un peu grosse
- BMW R1200GS LC : après un essai assez long, je suis tombé amoureux. Une arme capable de tout faire. Mais niveau tarif, c'était juste pas possible. J'ai un chat à nourrir De plus, madame n'aimait pas du tout le look
- Ducati Multistrada 1200 : C'était une des prétendantes sérieuse. Puis, après un essai, grosse déception. Sans vouloir faire du mauvais esprit, je suis resté relativement déçu du comportement moteur. Et restait un tarif pas loin du GS au final.
- Aprilia Caponord 1200 : Au départ, je ne l'avais pas du tout envisagé. Puis, au détour d'une petite annonce, je me suis dit pourquoi pas. Après essai en solo puis en duo, prétendante validée. De plus, elle nous permettait de faire le switch sans remettre beaucoup. Ca n'a l'air de rien, mais je n'étais pas prêt à balancer 10000€ pour changer de moto
Ca fait maintenant 600 km que je côtoie la CN 1200 et honnêtement, plus ça va, moins je regrette mon choix. La veille du changement, je regardais encore mon Speed, les yeux plein de doutes, me disant "putain, elle est belle cette moto, en plus je peux la mener comme je veux. Est ce que je ne fais pas une connerie ?".
Ben non, je n'ai pas fait de connerie, bien au contraire. Pourtant, les différents essais presse de la CN ne donnaient pas envie, niveau partie cycle, elle se faisait descendre en flammes.
Effectivement, la CN a un train avant un peu "étrange" et elle est plutôt paresseuse. Entendez par là qu'elle est sous vireuse, un peu comme une bagnole lambda, elle a tendance à élargir la trajectoire en virage. Du coup, il y a un mode d'emploi, qui une fois assimilé, permet de faire de belles choses. La première chose à savoir, c'est que le train avant ne remontera aucune information. C'est comme ça, c'est perturbant au début, mais une fois compris, on fait avec et ça passe. Ensuite, c'est une moto avec laquelle il faut soigner les trajectoires, l'improvisation est à proscrire. En gros, il faut casser le virage, faire un beau extérieur - intérieur - extérieur, comme à l'école. Et surtout, ne jamais prendre les freins avant en plein milieu, sinon, elle se relève direct et c'est terminé. Par contre, on peut l'aider à pivoter en s'aidant du frein arrière, et ça passe tout seul.
Beaucoup de journalistes ont expliqué qu'il fallait passer les suspensions électroniques en mode "pilote + passager" pour améliorer le comportement, j'ai essayé et je n'ai pas trouvé ça transcendant. Au final, la position full auto (la moto gère elle même les paramètres : type de route, de pilotage, seul ou à deux) est celle que j'ai retenu la plupart du temps, ça va très bien. Personnellement, après une grosse centaine de kilomètres à son guidon, je passais chaque virage très facilement et sans retenue. D'ailleurs, la garde au sol est vraiment limitée par rapport au Speed, sur lequel je frottais déjà les cale-pieds. Donc vraiment, on peut attaquer avec cette pétoire, c'est pas un souci. Sauf que ce sera beaucoup moins incisif qu'un Speed, et bien moins intuitif et facile qu'un GS, ça, c'est clair.
Le moteur reste un touine, du coup, ben fatalement, ça cogne en bas, ça vibre, y'a de l'inertie, ça fait un bruit de tracto-pelle en sortie de virage, mais bon, parmi la floppée de twins sur le marché, ceux fabriqués par Aprilia (enfin Rotax à l'époque) m'ont toujours plu. Et celui de la CN ne déroge pas à la règle. Par contre, comme il est castré par cette fucking loi des 100ch, il est vraiment paresseux en sortie de courbe. Il va vraiment falloir que je la fasse régler en Italie et que je lui colle un PSB de 16. Avec ça, je pense qu'on sera bien.
Pour ce qui est du confort général, là, c'est le sans faute. Sincèrement, ma CN est pourvue de la selle d'origine, qui est aussi confortable que la selle gel confort de mon Speed. Pour une selle d'origine, c'est assez rare pour être souligné. La position de pilotage est somme toute classique, avec le buste bien droit et les jambes dépliées, de ce côté là, elle ne va pas révolutionner le genre. Madame se trouve confortablement installée elle aussi, elle a juste tendance à glisser un peu lors des freinages appuyés, mais c'est surtout dû à la fourche qui avec son grand débattement, s'enfonce plus que sur le Speed, fatalement. Mais c'est un écueil valable sur la plupart des trails. (Sauf sur le GS, avec le telelever, évidemment). Au chapitre du confort, la bulle n'est pas top avec mon mètre 95. En position basse, je me prends pas mal d'air dans la quiche, mais c'est largement plus supportable qu'en position haute où là, la fréquences acoustique des perturbations aéro est vraiment insupportable, notamment sur autoroute. Je pense qu'il manque quelques centimètre à la bulle d'origine. Je réglerai ce souci en installant une bulle adaptable plus haute.
Pour faire rapidement le tour des griefs, je dirai que le régulateur de vitesse est un non-modèle du genre. Il est archaïque au possible et vraiment pas intuitif. Il faut appuyer 5 secondes sur le bouton pour l'activer (je vous laisse imaginer comme 5s c'est long lancé à 130 sur autoroute), ensuite il faut ré-appuyer pour valider la vitesse. Pour le couper, il faut soit appuyer sur le bouton, soit freiner, soit embrayer. Le bouton est tellement mal placé qu'on finit par embrayer, c'est plus simple. Il n'y a pas de fonction "resume" ou "cancel", pas même de bouton "+" ou "-", tu as choisit ta vitesse, tu ne peux pas la monter ou la baisser en laissant le régulateur enclenché. Bref, régulateur du pauvre, peut mieux faire. Cela dit, je suis bien content de le trouver sur voies rapides.
Le tableau de bord est complet, mais pas intuitif. La carto, les suspensions, l'ABS, bref toutes les manipulations électroniques doivent se faire à l'arrêt. Quant à la jauge à essence, elle est symbolique de la "dolce vita" à l'italienne. En théorie, elle est constituée de 5 segments. Quand on fait le plein ras la gueule du réservoir, seuls 4 segments s'allument. On atteint le dernier segment au bout de 150km et ce dernier segment tient 120/130km avant d'allumer la réserve. Drôle.
Et puis, reste l'éclairage qui est vraiment crappy. Passe encore en feux de croisement, avec un faisceau court, mais large. Mais alors en feux de route, c'est une catastrophe. Seul le feu centrale s'allume et autant dire que j'y vois mieux dans mon réfrigérateur la nuit.
Cependant, hier, nous avons fait plus de 400km en une journée avec madame. En arrivant à la maison, cette dernière me dira dans l'intercom "examen passé haut la main". En effet, après autant de bornes, nous sommes descendus frais et sans courbatures ou contractures. Là où avec le Speed, nous aurions prié pour un passage chez le kiné.
Bref, ma CN 1200, je l'aime.
P.S. : ah si, j'oubliais, avec la garde au sol plus réduite qu'avec le Speed, j'ai faillit nous foutre en l'air quand le cale-pieds gauche a finit par se planter dans le bitume dans un long gauche. L'avantage, c'est qu'on a pas eu le temps d'avoir peur.
Moralité, ce matin, je sors la lime et la scie à métaux.
