des réponses d'un spécialiste
Vous avez été nombreux à poser vos questions à notre envoyé spécial Michel Turco à l’aube de la nouvelle saison de Grand Prix. Voici ses réponses…
Frank : Quelle est la différence entre le moteur de Zarco et celui des machines officielles ?
Zarco a conservé son moteur 2016 auquel les Japonais ont augmenté le régime maxi de 500 tr/min, soit toujours 500 tr/min de moins que ce dont bénéficiaient les deux officiels Yamaha il y a deux ans. Rossi et Viñales disposent pour leur part d’un moteur 2018 plus puissant et surtout retravaillé pour le rendre moins agressif à la remise des gaz.
Thomas : On a pu lire dans des interviews que Johann aurait été bon sur un seul tour chrono et qu’en simulation de course, c’était plus laborieux. Qu’en est-il ? Et quel avenir vois-tu pour lui ?
En Malaisie comme en Thaïlande, Zarco a été l’un des plus réguliers en pneus usés. Il l’a effectivement un peu moins été le dernier jour au Qatar, mais il a alors expliqué qu’il était un peu fatigué et n’avait pas donné le meilleur de lui-même. S’il continue sur sa lancée des tests hivernaux, Johann devrait pouvoir réaliser un excellent début de saison et ainsi s’attirer les convoitises de différentes équipes.
Charles : Depuis des semaines, voir des mois, ce qui m’interpelle le plus, c’est pourquoi, malgré tout ce qu’il démontre, Johann ne semble intéresser que Tech3 et KTM ? Marquez et Dovi, entre autres, en font un candidat au titre. Alors pourquoi un tel manque d’intérêt à son égard de la part des teams usine ?
Si elles ont longtemps semblé sous-estimer la valeur de Zarco –plus d’ailleurs pour une question d’âge et d’image que de potentiel-, les usines revoient aujourd’hui leur point de vue. Après sa très belle première saison de MotoGP et ses excellents essais hivernaux, le Français n’intéresse plus seulement KTM. Manager du team Honda officiel, Alberto Puig est entré en contact avec Fellon, le manager de Johann ; Davide Brivio a confirmé que le Français était une piste intéressante pour Suzuki, et rien ne dit que Ducati ne pourrait pas lui faire une offre pour 2019 si d’aventure Lorenzo ne parvenait pas cette saison à gagner avec la Desmosedici. Seul Yamaha n’a rien à lui offrir, Viñales ayant rempilé pour deux saisons et Rossi s’apprêtant à en faire de même.
Benoit : Penses-tu que Rossi a caché son jeu avec des temps moyens durent les 2 premiers jours ? Finalement, vu les chronos des différents pilotes, est-ce que 2018 sera encore une saison Marquez-Dovi ?
Non, Rossi n’a pas caché son jeu. Durant ces trois séances de tests hivernaux, tout le monde a fait le maxi pour boucler son programme d’essais et trouver une base avant d’attaquer le championnat. Et comme l’an dernier, Rossi a fait le yoyo sans jamais parvenir à utiliser correctement ses pneus. Marquez et Dovizioso ont confirmé leur forme de la fin de saison 2017 en étant les plus réguliers sur les trois séances. Zarco s’est lui aussi positionné comme l’un des plus performants sur les trois circuits empruntés (Sepang, Buriram et Losail). Mais attention, il y a un an on faisait de Viñales le favori du championnat et on a vu ce qui s’est passé. Comme tous les ans, il faudra attendre le premier tiers du championnat pour se faire une idées plus précise des chances des uns et des autres dans la course au titre.
Séb : Que cherche Andrea Iannone depuis quelques temps ? Son dernier fait divers est tout de même folklorique quand, la veille au soir, il faisait la fiesta… On a le sentiment qu’il veut se faire virer du MotoGP pour se consacrer au mannequina…
Difficile de savoir ce que Iannone a dans la tête. Même lui ne le sait peut-être d’ailleurs pas. Une chose est sûre, l’Italien exaspère tout le monde, en premier lieu Carlo Pernat qui a décidé de ne plus s’occuper de ses affaires. Même s’il a fait de bons chronos à Losail, on peut penser que l’Italien vivra cette année dans l’ombre de Rins et qu’il aura du mal à conserver sa place chez Suzuki en 2019. Jorge Lorenzo et Johann Zarco sont d’ailleurs déjà dans le viseur de Davide Brivio.
Guillaume : Où en est l’ECU unique Magneti Marelli après deux saisons de développement ? Si ma mémoire est bonne, lors des tests de Valence 2015, les pilotes avaient presque unanimement soulignés un gros retour en arrière, Rossi situant le niveau de cette électronique à ce qu’il connaissait sur sa M1 aux alentours de 2008-2009, et Pedrosa l’évaluant à la saison 2010… Cette électronique unique propose-t-elle globalement aujourd’hui, à l’aube de cette saison 2018, un niveau comparable à ce dont les pilotes disposaient lors de la dernière saison (2015) où l’ensemble hardware/software était libre ?
Même s’il n’offre pas les mêmes libertés et ne permet pas autant de détails dans les réglages, plus personne ne se plaint du logiciel de gestion unique qui a eu le mérite de resserrer les performances entre les différentes motos. Hormis chez Aprilia où on peine encore un peu à l’utiliser, toutes les équipes arrivent aujourd’hui à l’exploiter correctement.
Millancourt : Compte-tenu du fait que Tech3 aura des motos Factory KTM, penses-tu que Johann pourrait rempiler en 2019 avec Tech3 ne serait-ce que pour bénéficier du soutient de Guy Coulon à la mécanique et d’Alex aux datas ?
Je ne pense pas que Johann restera chez Tech 3 l’an prochain. Même si la RC16 continue à progresser, elle ne sera pas encore candidate au titre en 2019. De son côté, s’il continue sur sa lancée, Johann aura la possibilité de rejoindre une équipe officielle capable de lui de proposer une moto plus aboutie : Honda, Ducati, Suzuki…
Anna : Saurons-nous un jour l’utilité de la « boite à sandwich » calée sous la selle des Ducati ?
Aujourd’hui, sur une MotoGP, le moindre centimètre cube est exploité pour caser des périphériques. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est si compliqué de faire évoluer un châssis, la moindre modification impliquant en chaîne tout un tas de changements de fixations diverses et variées. On a longtemps parlé d’un amortisseur de masses, mais finalement la boîte placée sous la selle de la Ducati contiendrait surtout des composants électroniques.
Fred : Jusqu’où vois-tu aller Johann cette année ? Un podium final, voir plus, est-il possible ?
Même si ça paraît difficile, car les officiels vont continuer à progresser, pourquoi pas un top trois en fin d’année ? Une victoire serait déjà un pas supplémentaire vers le sommet.
Moustik : Je voudrais connaître le montant et les règles d’attribution des primes pour les pilotes, versées par la Dorna. Quelle prime pour une victoire ou une pole et le team reçoit-il une prime ?
Aujourd’hui, les primes versées par le promoteur sont forfaitisées et distribuées aux équipes. L’enveloppe est à la discrétion de Dorna Sports.
Guido : Que manque-t-il à Ducati pour obtenir un deuxième titre mondial en catégorie reine ? La machine est performante et puissante, Luigi Dall’Igna débauche un top pilote, je ne vois pas où ça coince !
Pas grand-chose puisque Dovizioso aurait bien créer la surprise l’an dernier en décrochant le titre. Mais pour y parvenir, faut-il encore pouvoir battre Marquez, le pilote qui a été quatre fois champion du monde en cinq saisons de MotoGP.
Beaudouin : Quelle est l’ambiance dans le team Honda avec l’arrivée d’Alberto Puig, surtout du coté de Dani ? Penses-tu que l’arrivée de celui-ci pousse Dani vers la sortie du HRC (retraite ou autre chalenge) ? Au vu des dernières déclarations de Lorenzo (qu’il ne restera pas jusqu’a 39 comme Rossi), penses-tu que si les résultats et le salaire ne suit pas, il prendra sa retraite ?
Pour l’instant tout semble se passer au mieux du côté du HRC. Je ne pense pas que Pedrosa se fasse trop d’illusions quant à son avenir auprès de Marquez après ce qui sera sa treizième saison au guidon de la Honda RCV. A moins qu’il ne domine sur le début d’année, Dani devra certainement laisser sa place à un pilote plus jeune, pourquoi pas Zarco. Pour ce qui est de Lorenzo, si ça se passait mal pour lui cette saison, quelque chose me dit qu’il pourrait rejoindre l’an prochain l’équipe Suzuki où il retrouverait une moto peut-être plus adaptée à son pilotage.