Une Bonneville Speedmaster pour un rodage et des ripailles aéronautiques
[ Petit carnet de voyage sur six jours (six épisodes)]
Jeudi …
Allo Agnès. Je suis dans le métro, je rentre de chez mon kiné. Tu es chez toi ? Non dans le métro. Avec le bruit on s'entend à peine.
Je venais de réaliser que mon téléphone était en mode vibreur depuis plus de 15 jours. Je l’avais mis le mode silencieux pour assister à une représentation annuelle de la chorale où chante ma femme. Je me disais aussi, c’est bizarre, tous les appels que je loupe ces derniers temps… tu m’étonne, n’ayant quasiment jamais mon téléphone sur moi, en mode vibreur, je ne risquais pas de l’entendre. Par chance, sur le coup, il était dans ma veste au niveau de la poitrine et je l’ai senti vibrer. Du coup je l’ai remis sur sonnerie, ça peut des fois servir.
Ma sœur devait me rappeler, avant que je parte, afin de savoir si je pouvais faire une étape chez elle à Lyon, car elle devait faire, la semaine juste avant mon arrivée, une petite croisière à la voile en méditerranée, et comme la voile dépend de la météo, elle n’était pas certaine d’être présente le jeudi soir et j’avais prévu un plan B avec l’organisateur, pour le couchage, au cas où ma sœur ne serait pas chez elle le jour J. Elle me rassure, je lui réexplique le principe des ripailles aéronautique, un RDV pour s’envoyer en l’air en avion et qui se termine le soir par un joyeux BBQ à l’aéroclub de Morestel. Sortie organisée par un membre d’un forum de motards, qui est aussi pilote… Forum par ailleurs très vivant sur lequel je vais régulièrement, car j’avais avant ma Triumph, une BMW R1200 RS. Pour faire court : ce forum rassemble des motards qui roulent sur des flat-twin (mais pas que). Donc, disais-je : on papote et soudain je réalise que le métro redémarre dans l’autre sens. Je n’avais pas réalisé, que j’étais seul dans le wagon sur la voie de triage du terminus et que le métro repartait direction Paris.
L’organisateur nous avait annoncé dès le mois de mars, qu’il organisait les 5ème ripailles aéronautiques. Cela faisait à peine quinze jours que je n’avais plus mon atèle suite à ma fracture d’épaule. Ma Triumph, me serait livré en juin et mon épaule devrait aller mieux en juillet. Ce serait parfait pour un petit rodage de ma nouvelle Triumph. Mais quand la veille du départ, le radiologiste me dit que mon épaule reste encore à consolider, il a vu dans mon regard un grand étonnement. Mais vous verrait cela avec le Dr Colas (ma chirurgienne), préférant se défiler et laisser le verdict à sa consœur. Ma chirurgienne (la sœur jumelle d’Adriana Karembeu) et la première chirurgienne que j’ai plaisir à voir, mais je dois faire gaffe à chaque rendez-vous, à ne pas avoir la tête du clébard qui bave devant son os à ronger, mais je m’égare. Donc disais-je, ma chirurgienne, en voyant la radio, se tourne vers moi avec un grand sourire. Mais c’est parfait cette épaule, et pour la consolidation ? A votre âge, cela prend toujours un peu de temps. Ah, vous me rassurer, car je pars demain pour 6 jours de moto. Je m’attendais à ce qu’elle dise : mais ce n’est pas raisonnable, il faut attendre un peu Mr Fromenty. Petit silence, aucune réflexion de sa part, qui ne dit mots consent, dit ma petite voix. Une angoisse de moins à gérer.
Ma journée du départ était simple niveau planning. Kiné à 8h00, retour à pieds sur 5 km, puis métro pour ne pas y passer 2 heures pour revenir chez moi, check-list, dernier bouclage des bagages, préparation du sandwich, sortir les bouteilles d’eau du frigo, enfilage de pantalon, veste, airbag, parachute, je déconne, rien oublié, je suis chargé comme une mule… Ma femme me propose de m’accompagner pour porter une partie de mon barda, c’est pas de refus.
Mon sac de selle, que j’avais prévu de mettre au départ sur le porte bagage du Sissy bar, fait 11 kg (bien plus lourd que je j’avais imaginé) et 3 kg de plus que la charge maximale prévu sur le porte bagage, bon je sais bien qu’il y a toujours la marge du constructeur, mais finalement il atterrira sur la selle passager, tout compte fait cela va recentrer la charge et ce n’est pas plus mal.
Reste à négocier la rampe de lancement en forme d’équerre, (Les box de mon immeuble sont en sous-sol) avec une nouvelle moto chargée, que je découvre, pas très agile à basse vitesse, à cause de son gros pneu à l’avant, et surtout, une absence de pratique depuis plus de six mois. Pour faire court : Je n’ai jamais aimé cette rampe d’accès dans le sens de la montée, alors que dans le sens de la descente, cela ne m’a jamais posé la moindre appréhension. Je suis enfin sortie de l’immeuble, la trajectoire dans la rampe, n’était pas très propre, mais je ne me suis pas gaufré, c’était l’essentiel.
Le plus dure était fait, enfin l’air libre, le voyage allait pouvoir commencer avec ma nouvelle mob. Ouverture du TRIPY (Un GPS d’avant la première guerre mondiale pour ceux qui ne connaissent pas). Trois plombes pour acquérir les satellites, on peut fumer un gros cigare pendant ce temps-là. Pas grave, j’suis pas pressé, je suis retraité.
Enfin, j’ai l’acquisition. Allez, roule ma poule pour une première étape sur Nevers, soit 257 km en prenant les petites départementales. Heure prévu du départ 11h00, je pars à 11h15, je suis dans les temps.
Sortir de la région parisienne, c’est se bouffer des feux, des ronds-points à n’en plus finir, on se fait vite chier et comme dab, je finis par lui parler à ma nouvelle mob. Guffy, va falloir être prévenante avec moi, j’ai beau être un « jeune » puceau, ce n’est pas une raison d’en profiter, faut être douce et gentille… Broooaaaa, me répond-t-elle de sa douce voix sortant de ses jolis pots chromés, alors que je venais à peine de là chatouiller à l’accélérateur pour m’extraire en premier sur un feu passant au vert. Pourquoi, je l’ai baptisé Guffy ? En pensant à Guffy Palmer, la femme plantureuse dans Blueberry. Et comme ma plaque numérologique commence par GP, c’était pilepoil les initiales pour Guffy Palmer.
Comment ça tu me trouve grosse ! Merde, Guffy lit dans mes pensées, faut que je fasse gaffe, penser tout bas, mais vraiment bas.
A chaque démarrage, toujours le même réflexe, je cherche les repose pieds, jamais eu des reposes pieds si en avant, plus rien à voir avec la position sur la RS et pourtant j’ai pris le kit pour les avoir rapprochés. Trouver de nouveau repère, peut faire perdre la concentration et ce n’est pas le moment, si je loupe la bretelle de la N104, je suis bon pour un beau jardinage. La N104 me permet de rejoindre l’A5 pour 40 km : la seule portion à 4 voie, que j’emprunterai sur tout le voyage, elle me permettra de sortir de la région Parisienne le plus vite possible. La sortie 18 direction Montereau, sera la délivrance.
Mais avant de s’élancer sur les petite départementales, je fais une pause ravitaillement essence, car j’ai oublié de vous dire, question contenance pour le carburant, on fait dans le limité sur ce genre de moto. 12 litre et pas une goutte de plus, ce sera avec l’usage, 180 km avant la réserve, chose que je n’ai pas voulu expérimenté. Heureusement que madame n’est pas très gourmande, j’étais sur du 4,8 litre au cent, mais les stations-services sur mon parcours était notées avec un gros marqueur rouge. Je fais le complément pour avoir le plein, et à peine avais-je terminé, qu’une bourgeoise, super bien gaulée, qui avait sur elle, l’équivalent de mon salaire mensuel, mais ça c’était avant, la bourgeoise, vient me voir pour me demander de l’aide. Mais bien sûr, que puis-je faire pour vous ? Mon pistolet est bloqué dans l’orifice de mon réservoir et là, ma petite voix me dit : surtout garde ton sérieux. Garde ton flegme et prend l’air d’un gentleman. Damned, elle est accompagné d’un jeune pré-ados, c’est râpé pour la séance de drague (juste pour s’amuser). Ils sont vraiment débiles chez Audi, en effet le pistolet était bien coincé dans le trou du réservoir, même pas 1 millimètre de jeux, que dalle. Je tire de toute mes forces, Nada. Sur le coup je sens bien mon épaule, la douleur s’est réveillée, je prends le tuyau de toutes mes forces à 2 mains et tire comme un forcené, le pistolet se décroche enfin, manquant de me faire tomber par terre. La blonde me remercie avec un grand sourire (ah oui, j’avais oublié de vous le préciser, elle était blonde), mais bordel, elle aurait pu laisser son fils chez elle, j’aurai pu entamer la conversation… calme toi me dit ma petite voix, tes vieux, t’as vu à quoi tu ressembles… Oui, mais j’ai une belle moto. Une belle mob, certes, mais t’es vraiment très con. Heureux quand même d’avoir accompli ma BA du jour, ça marque d’avoir été scout dans son jeune âge, même si pour ma part, j’y suis pas resté bien longtemps.
Je retourne à ma moto et que vois-je : la vis qui bloque mon U s’est fait la malle. Ah bravo, t’as dû oublier de la serrer, ou alors c’est les vibrations de la moto qui ont eu raison de lui. Mais quand même dit ma petite voix, c’est une Triumph, pas une Harley.
J’enquille la D103, qui restera mon amie jusqu’au château de Vallery. En voyant le château, je me dis, si ça trouve, c’est la résidence secondaire de ma bourgeoise.
Il fait pas trop chaud, je roule sur un petit 90, voire un peu moins si l’état de la route n’est plus un billard, car la Triumph Bonneville Speedmaster à beau être confortable pour ce type de moto, on est très loin d’une GS, mais ça, inutile de le préciser. La position insiste plus à flâner qu’à rouler vite, et finalement : j’adore. Pour une moto en rodage, je trouve les accélérations très honnêtes, même si cela n’as plus rien à voir avec la RS, mais c’est pas la même puissance et ça me permet aussi de diviser mon assurance par 2, avec la différence, je pourrai voyager, quand on a une petite retraite, c’est le genre de chose que l’on regarde de plus près. Mais ce que je préfère, c’est le couple en bas, le côté tracteur du moteur, avec les paf…paf… paf… à la décélération. Bref, c’est un autre monde que je découvre, la bouche béate comme le jeune puceau en voyant sa première chatte. Guffy, si tu m’entends, bouche toi les pots d’échappement.
A saint Martin d’Ordon, je bifurque sur la droite pour rejoindre la D18. Je passe sur l’autoroute du Soleil, qui porte bien son nom aujourd’hui, que je laisse vite derrière moi. Je commence à avoir soif mais faim aussi. Je décide de faire ma première vraie pause pour un casse-croute sur le parvis-parking de l’Eglise du village de Piffonds.
Comme toujours dans tous les villages de France, personne à l’extérieur, seule une femme à décider de bricoler sa porte d’entrée au moment où je déguste le sublime sandwich au pain Poilâne que je me suis préparé avec amour 2 heures auparavant (on n’est jamais mieux servis que par soit même) Sur le parking, une voiture de Kéké de rallye est stationnée, une voiture comme on en voit qu’en province.
Je fume un cigarillos, (après 5 mois de sevrage, c’est ballot) mais ça me fait du bien, je bois l’équivalent d’une pinte en eau, mais j’ai prévu large question eau, ma pause aura durée dans les 40 minutes, il est temps de repartir.
Je passe par Charny, la seule petite ville que je connais dans le coin, car des amis ont une maison de campagne à quelques km de là, et le BBQ annuel chez eux est devenu une tradition.
Enfin un camping-car qui se traine sur la route (humour). Impossible de le doubler, aucune visibilité, je ronge mon frein et patiente. Ouf, pas trop longtemps, il bifurque à un croisement et me permet de retrouver ma vitesse de croisière. Un peu plus tard, ce sera le tour d’un tracteur avec sa grosse remorque, mais celui-ci me voit, il se décale sur le bas-côté, et bien que la départementale ne soit pas bien large, j’ai juste de quoi le doubler, frôlant ces énormes roues, mais ça passe et je peux enfin prendre l’air.
Je commence à avoir soif et je tombe sur un petit bistrot de village. Je m’installe en terrasse, à l’ombre et commande un demi-panaché. La jeune tenancière me sert rapidement, à côté de moi, quatre tamalous discutent rhumatismes. Cela fait 10 minutes que je suis là et 2 autres vieux (quand je dis vieux, c’est qu’ils sont plus vieux que moi : on est toujours le vieux d’un plus jeune que soi) viennent pour prendre un verre et la tenancière leur dit qu’elle va fermer. Il est à peine 14h00, je suis surpris et me dis qu’a un quart-d’heure près, mon demi-panaché me passait sous le nez. Je réalise que j’ai envie de pisser quand je la vois baisser le rideau de l’entrée du Bar. Heureusement elle apparait à la fenêtre qui est ouverte et j’en profite pour lui demander si elle me permettrait d’utiliser ces toilettes. Ce qu’elle fait en m’ouvrant gentiment le rideau, afin que je puisse me soulager. Il se trouve qu’à à l’intérieur, il y avait du monde, vraisemblablement des amis, et ils voulaient très certainement terminer la journée entre eux. Je quitte les lieux en la remerciant.
A la Charité sur Loire, je traverse La Loire et prend la D45 qui longe le fleuve. Les bords de La Loire, c’est toujours aussi beau. J’aperçois une Gabare fluviale, je fais une halte pour prendre une photo.
J’arrive à Nervers peu après 17h00, ou j’avais réservé une chambre à l’espace Bernadette Soubirou.
J’avais découvert cette adresse l’année dernière où l’on descendait dans le sud avec ma femme , mais en voiture et c’était l’hostellerie la moins chère de la ville. Ce n’est pas chère, mais les toilettes et les douche ne sont pas dans les chambres, je devrais dire cellule, car c’était à l’origine d’Anciennes cellules de moniales. Le petit plus. Ma moto sera garée dans un espace fermé, c’est déjà ça.
A l’accueil des touristes espagnols trouvent le prix des chambres trop chères… A l’heure actuel, ils doivent encore chercher. L’année dernière, ont avait mangé dehors au resto, cette année, je voulais essayer la restauration sur place. Fatale erreur, le plat principal était plus du niveau d’une mauvaise cantine scolaire, un véritable étouffe chrétiens et si je devais me comparer au cuisinier du couvent, j’aurai déjà plusieurs étoiles au guide Michelin.
La serveuse - Vous avez terminé ? La petite salade en entrée, avait eu peine à me remplir l’estomac, je me suis forcé à manger le tiers du plat (très copieux en quantité) mais j’avais ma dose, d’absence de goût évidement. Oui, répondais-je - mais je n’ai plus l’habitude de manger autant. Pour une fois, je n’ai pas menti, mais je n’allais pas non plus féliciter le cuisinier.
Pour se rattraper, le petit vin blanc était pas cher mais gouleyant à souhait. Ça m’a aidé à faire passer le plat de résistance, qui pour le coup à fait résistance.
L’autre inconvénient, qu’on avait pas perçu avec ma femme, car nous n’étions pas très nombreux ce jour-là, alors que le lieu est immense, c’est les cloisons qui séparent les chambres aussi fines que du papier japonais. Je m’en suis amèrement aperçu, vers 1h30 du matin, ou je fus réveillé par le téléphone de la femme qui créchait à coté de ma chambre. Dans mon rêve, je fus très perturbé car je ne me souvenais pas avoir changé ma sonnerie de téléphone, mais ce n’était pas un rêve, c’était bien le téléphone d’à côté qui sonnait à n‘en plus finir. J’ai pu suivre ainsi toute la conversation, car elle parlait fort comme en plein jour, et j’ai eu peur que le coup de fil ne durât une demi-heure. Heureusement il fut relativement bref, mais à cause de cette « connasse », j’ai mis une plombe avant de me rendormir.
Qui dit espace Soubirou, dit Bernadette (j’en vois qui dorme au fond de la classe). Dans la chapelle de cet ancien couvent, elle repose toujours en paix dans une châsse de verre et de bronze. Elle n’aimait être photographier de son vivant, mais qu’elle me pardonne, j’ai pas pu m’en empêcher. Et pis, elle doit s’en foutre, puisqu’ il paraitrait qu’elle serait au ciel, comme toute bonne Sainte qui se respecte.
Amen.
A suivre …
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